Merci les filles
Voici à présent le texte que j'avais préparé :
En italique, les paragraphes préparés mais non lus ce jour là
Bonjour à tous,
Je suis venue vous parler aujourd'hui de mon handicap.
Il s'agit du syndrome d'Ehlers-Danlos. Ca n'a rien à voir avec de l'air dans les os comme je l'ai si souvent entendu.
La maladie porte le nom des 2 découvreurs, dermatologues du 19ème siècle, Dr Ehlers, et Dr Danlos. Il s’agit d’une maladie génétique orpheline qui touche hommes ou femmes sur le schéma le plus fréquent d’un risque sur 2 à chaque grossesse.
Il s'agit de collagène de mauvaise qualité ou encore en faible quantité. Le collagène ce n'est pas seulement ce qui provoque des rides, contrairement à ce que je pensais jusqu'à ce jour d'avril 2007 où le diagnostic m'a été annoncé.
Le collagène est un composant du tissu conjonctif. Si ce tissu conjonctif est de mauvaise qualité, cela provoque douleurs, entorses, tendinites, luxations et subluxations. Ces blessures arrivent souvent, et pour de petites choses. Un pied de travers provoque une entorse. Mettre un t shirt, déboîte une épaule. Se cogner contre un meuble provoque un gros bleu, et quand on dit bailler à se décrocher la mâchoire, ici c’est au sens propre du mot.
Le collagène se trouve dans les tendons, ligaments, la peau, les parois des vaisseaux sanguins, les poumons, les parois intestinales…
Le syndrome d'Ehlers Danlos, en abrégé SED, comporte 7 types différents, suivant où se situe "l'anormalité" du collagène. Cela peut toucher un ou plusieurs domaines.
Il y a 3 types rares et 4 hyper rares, dont je ne retiens même pas les noms. Les 3 plus courants parmi les rares sont : classique : surtout la peau et un peu les articulations, l'hypermobile (le mien) : surtout les articulations et un peau la peau, le vasculaire : le plus dangereux au niveau vital car il provoque des ruptures de vaisseaux, ruptures des parois intestinales et anévrismes.
Mon type est l’hypermobile : l’atteinte principale est sur les articulations.
Nous, les patients, nous rendons compte que tout en étant diagnostiqué dans un type nous avons des symptomes liés aux autres types mais bien entendu de manière plus légère.
Il est important de savoir que chaque personne porteuse d'un SED a un degré d'atteinte différent, bien qu’on n’en connaisse pas la raison, on a pu remarquer que chacun développe des symptômes différents et à des degrés différents et aléatoire dans le temps.
Le degré de handicap est très différent, l'évolution aussi. Chaque malade évolue différemment : plus ou moins vite, en palier ou en douceur notamment en fonction de ce qu’il (elle) a mis en place dans sa vie quotidienne et au niveau du suivi (par exemple la kiné).
Il en va de même pour la marche et l'utilisation ou non de béquilles ou d'un fauteuil roulant. Ce n'est pas parce que je suis en fauteuil pour l'extérieur qu'il en va de même pour les autres SED. Non. Il y dans les salles des personnes qui ont la même maladie que moi et qui sont sur leurs pieds.
Et ce n'est pas non plus définitif. Si la rééducation est bien faite et donne de bons résultats, on peut 'en sortir'. Je connais personnellement deux exemples de personnes qui ont été en fauteuil roulant électrique et qui à présent sont sur leurs pieds, sans béquilles.
Il ne faut pas penser qu'on va forcément évoluer vers le bas. C'est important à savoir. Trop souvent on se heurte à l'incompréhension de l'entourage familial et professionnel. A la maison, je suis sur mes pieds, je peux marcher quelques pas. A l'extérieur, ce n'est pas possible, si c’est un courte marche, je prends mes béquilles, pour une longue sortie ou une activité, j'ai besoin de mon fauteuil, ou comme aujourd'hui, parce que c'est une longue journée et qu'il n'est pas possible d'être assis confortablement toute la journée. Car être assis c'est une chose, mais il faut encore que ce soit confortable. Cela s'appelle l'impatience douloureuse. Je vais d'ailleurs toujours chez mes amis avec un coussin pour mon dos et mes antidouleurs et attèles dans un sac.
Certains sont donc étonnés, interloqués, surpris… Ils me voient à la maison et ne comprennent pas pourquoi je ne fais pas une activité sur mes pieds. Chaque sortie est minutieusement préparée et étudiée. Ou allons-nous ? Comment est le sol ? Y a-t-il des escaliers ? des pavés ? de quoi s'asseoir ?
Ce fauteuil j'en ai fait mon ami pour les sorties, pour avoir une vie sociale et faire des activités que je ne peux pas faire sur mes pieds. D'autres le voient comme un ennemi, de peur que je m'y attache trop, que je marche encore moins et que je ne le quitte plus… non non pas d'inquiétude, il faut l'utiliser intelligemment.
J'ai bien été prévenue à plusieurs reprises par les médecins et kinés. Ce sont les muscles qui doivent prendre le relais des ligaments et tendons qui sont fichus, il faut donc se muscler, et un muscle au repos fond très vite. Il faut toujours garder un minimum d'activité physique. Tant que c'est possible je marche, je n'utilise le fauteuil que lorsque sans, cela provoquerait de fortes douleurs et de la fatigue et que j'en aurai pour 2 jours à me rétablir.
De même, pourquoi certains SED peuvent faire quelques pas et se déplacer en Fauteuil Roulant Electrique ? Ce n’est pas parce qu’ils sont plus paresseux que moi, mais dans le SED, toutes les articulations sont touchées, donc aussi les épaules, les coudes, les mains et les poignets. Si on pousse un fauteuil manuel, on va non seulement très vite se fatiguer, mais également risquer une entorse ou luxation.
Et pour compliquer le tout, il y a des jours avec plus de douleurs et d'autres avec moins, et on ne sait jamais comment sera demain. C'est comme des crises par vagues, plus ou moins longues. La raison en est encore inconnue. C'est vraiment très ennuyant, parce que l'entourage a parfois tendance à ne pas vous croire, à penser que vous carottez, les médecins sont étonnés aussi. Alors que non, c'est très pénible, et les remarques blessantes font fort mal au cœur, aussi mal que se tordre un pied ou un poignet.
Je voudrais bien que tout ça s'en aille et avoir une vie en pleine forme, sans douleur, sans fatigue, où je pourrais faire tout le ménage de ma maison, travailler à temps plein et encore avoir une activité de loisir. Comme plein de gens…, mais il faut accepter que le SED ne partira pas, il faut adapter le quotidien.
Ce n'est pas parce que je suis handicapée que je suis malheureuse ou en dépression, pas du tout. Il a fallu revoir certains projets, en annuler d'autres, mais je suis heureuse.
La fatigue … parlons-en …
Avoir mal, d'autant plus quand c'est tout le temps, donc chronique c'est usant et fatiguant. Tout le monde sait ça. Imaginez avoir mal tous les jours, tout le temps.
La fatigue fait partie des 4 symptômes majeurs, au même titre que la douleur chronique, la peau hyper élastique ou l'hyperlaxité articulaire. Elle est pourtant la moins visible et la moins acceptée.
Quand on dit « je suis fatigué », la réponse est souvent « moi aussi », pourtant je sais maintenant que la fatigue que je ressens est exacerbée à cause de mon handicap. J'ai d'ailleurs besoin de 10h de sommeil pour être en forme.
Arriver au diagnostic n'est pas chose aisée …
Entre l'apparition des symptômes et le diagnostic, les patients attendent 5 à 20 ans sans savoir, passant de médecins en médecins, parfois opérés alors qu'il faut éviter la chirurgie tant que possible. Toutes ces années sans savoir de quoi on est atteint alors qu'on voit bien que quelque chose ne tourne pas rond. Cela s’appelle l’errance du diagnostic.
Dans l'Ehlers-Danlos, la moyenne d'errance est de 15 à 20 ans. Dans mon cas : 19, je suis donc bien dans la moyenne !
Toutes ces années durant, je me suis entendue dire, tout comme tous les patients SED avec qui j'en ai parlé, qu'on ne sait pas ce que j'ai voire même que … je n’ai rien. J'ai consulté une grosse dizaine de spécialistes pour mes problèmes de genoux plus tard pour les mains. Les derniers je n'en attendais même plus grand chose. Je devinais à l'avance. Leur réponse était la même : je ne sais pas ce que vous avez, ce n'est pas normal, je ne sais rien faire pour vous.
Et comme pour d'autres pathologies, comment classe-t-on les personnes qu'on ne peut pas mettre dans une case ? Psychosomatique, psychologique etc… A des stades plus ou moins graves, tous les patients SED que j'ai rencontrés m'ont tous fait partagés cette même frustration. On m'a pris pour une folle, on m'a dit que c'est dans ma tête.
Moi aussi, je n'y ai pas échappé, mais contrairement à d'autres, j'ai encore eu de la chance : jamais mes parents ne m'ont prise pour une folle ou une affabulatrice. Ils ne comprenaient pas mais ne m'ont jamais dit que c'était dans ma tête. D'autres personnes me l’ont dit, mais pas eux.
Ceci dit, d'autres patients SED n'ont pas eu cette chance.
Une personne que je connais a été classée dépressive. Mais en réalité elle a fait une dépression parce que son SED n'était pas connu, elle souffrait physiquement et psychologiquement et on n’était pas écoutée.
Une jeune française par exemple, en est arrivée à faire une tentative de suicide, désespérée, parce que ces douleurs sont bien réelles, ses blessures aussi. Mais comme les médecins ne l'avaient pas diagnostiquée, c'était donc psychologique et sa mère le croyait dur comme fer et donc ne l’écoutait pas.
C'est grave d'en arriver là.
Pourquoi ?
Le SED est trop peu connu des médecins, pas reconnu, ils ne pensent pas à cette maladie, parce que rare, parce qu'on ne développe pas tous les mêmes symptômes, parce que c'est pluridisciplinaire et qu'avant de savoir on consulte par pathologie : une gastro-entérologue, un rhumato, un dermato etc…
Un lien existe entre tout mais il est difficile à faire.
Généralement le diagnostic est établi par un généticien, sur base d’un examen clinique, de l’histoire des blessures et l’histoire familiale et enfin par une biopsie de peau. Mais pour en arriver là…quelle galère. Personnellement, le médecin rééducateur qui me suivant depuis l’enfance n’y croyait pas et ne connaissait le SED que de nom. Il m’a envoyé chez une généticienne, sans conviction, plutôt pour me rassurer, il pensait que l’examen serait négatif…
L'annonce du diagnostic est reçue de manière différente : comme un choc, ou comme un soulagement. Tout dépend aussi du tact mis par le médecin et s'il est positif ou non.
Le SED fait donc partie des maladies orphelines. Vous savez qu'une maladie est dite orpheline à partir de moins d’un cas sur 2000 personnes, c'est défini de cette façon. Dans le cas du SED cela veut dire aussi « orpheline de traitement », pas de traitement ni de médicament pour soigner la cause, ici le collagène défaillant.
Alors, une fois le diagnostic posé, que fait-on ? Il y a 3 choses importantes à faire : prendre des antidouleurs en traitement de fond si c'est nécessaire. D’autres utilisent des méthodes comme la relaxation, l’hypnose, ou la sophrologie… Il faut aussi accepter la situation et bien comprendre ce qui est important de faire ou pas faire. Ne pas s'inscrire dans un club de volley, par exemple …
La 3ème chose à mettre en place est les séances de kiné : à utiliser sans modération : c'est la seule manière de se muscler et de réduire le nombre de blessures. Il faudrait pouvoir informer plus largement les kinés car les traitements sont spécifiques. Enfin, l’achat d’orthèses si nécessaire. D’où le fait qu’on nous surnomme fréquemment « robocop »…
Pas de traitement, donc c'est un peu un avenir aléatoire. Personnellement je vois à court terme puisque je ne peux pas du tout savoir comment mon état va évoluer. Chacun évoluera dans un sens ou un autre, à son rythme. Il n'y a pas de schéma type.
Quand on annonce un diagnostic tel que le SED, il est important de ne pas laisser la personne « dans le vide ». Il faut bien lui expliquer ce qu’est la maladie et ce qu’il peut mettre en place pour être aidé comme les aides techniques ou la kiné. On se sent perdu au début. La vie ne s’arrête pas, mais il faut revoir certains projets, changer sa façon de vivre. J'insiste sur CHANGER, l'annonce du SED n'est pas un arrêt de mort, comme certains médecins l'ont mal expliqué à leur patient et ces derniers ont alors été fort inquiets.
Dès l'annonce, on nous prescrit des antidouleurs, divers examens et de la kiné. Tous le monde sait que les frais médicaux coûtent très chers. Certains patients sont obligés d'arrêter de travailler ou ne travaillent plus qu'à mi temps à cause de leur état de santé. Suivant les cas, leurs revenus sont +/- amputés et parfois ils ne peuvent plus se permettre un traitement correct, à cause du prix.
La 1ère chose à mettre en place est une réduction automatique des frais médicaux par un système tel que le BIM ou le forfait maladie chronique. Nous savons tous que la mutuelle intervient, mais il faut avancer cette somme. L'an dernier, j'ai fait un rapide calcul : chaque mois, je payais 600 eur pour mes frais médicaux. Bien sûr la mutuelle remboursait une partie, mais pas la totalité et après. Vous imaginez, 600eur sur un budget de ménage ? C'est énorme !
On sait que la kiné est la meilleure chose à faire pour aller mieux, mais si on doit choisir entre se soigner et payer son loyer …
Un système de tiers payant pour ne pas avancer les sommes ou le passage en pathologie lourde pour la kiné, de façon automatique aussi. Informer mieux les médecins pour que, si des patients SED se présentent chez eux, ils pensent à cette maladie.
L'autre chose importante, est que les patients ne soient pas livrés à eux-mêmes et soient dirigés vers un centre de référence, comme cela existe déjà en France, et puissent prendre contact avec des associations de patients. Ils se sentent entourés et encouragés, ont des réponses et rencontrent des personnes dans la même situation, c’est important pour le moral. Un centre de référence serait un lieu d'accueil avec divers services et des adresses : ergothérapeute, liste des kinés près de chez eux, fiches de conseil pour les kinés, mais aussi rhumatologue, assistant sociaux, contact pour la mutuelle, etc…
Evidemment, l’idéal, le mieux, le parfait, ce serait que le SED disparaisse.
Mais là, je sais que je rêve …
Je vous remercie de votre attention.